Depuis le temps que j’accompagne des entreprises dans les démarches de changement de nature stratégique et culturelle, je peux faire le constat de la difficulté quasi permanente des entreprises à donner la place nécessaire, à consacrer le temps nécessaire pour conduire ces démarches nécessaire à leur développement, à leur adaptation, à leur futur, ne serait-ce qu’à moyen terme. Ceci pour permettre :
• une progression en terme d’organisation, de fonctionnement,
• de concrétiser des projets stratégiques,
• le développement de ses équipes et des pratiques managériales.
En même temps, l’entreprise a besoin de continuer à produire, à vendre, à livrer dans les temps et la qualité attendue, à améliorer sa productivité, à faire face aux pressions financières. Bref, à s’occuper du Présent et à tenir les objectifs de résultats, à satisfaire les clients actuels. D’autre part, cette préoccupation appelle une recherche de standardisation, pour une organisation « huilée » et efficiente, permettant d’optimiser la performance.
Cette situation révèle 2 paradoxes que vivent les entreprises :
1. S’occuper du Présent et de ce qui fait vivre l’entreprise, tout en préparant le futur à moyen terme car l’environnement change rapidement, et qu’il vaut mieux évoluer de façon synchrone.
2. Développer l’efficience, avec des standards permettant de huiler le fonctionnement, tout en remettant en cause le fonctionnement dans un esprit agile afin de répondre au besoin d’adaptabilité des Organisations. Le changement n’est plus une somme de projets, mais une compétence stratégique source d’adaptabilité.
Conséquence : Une double structure
Pour développer une organisation agile et adaptable, certains « spécialistes » préconisent des ruptures organisationnelles en s’orientant vers les formes d’entreprises libérées, ou holacratiques ou autres.
Mais est-ce que les entreprises sont condamnées à passer par une rupture pour évoluer ? Pas nécessairement pour Néovance.
La quasi totalité des entreprises, en tout cas celles qui se sont construites en milieu industriel, se sont construites sur la base d’une hiérarchie, avec des managers chargés de relayer les orientations, de contrôler, et de faire appliquer les standards (procédures et méthodes) définis par les service supports. Ce type d’organisation est performant dans un « monde » prévisible : « on sait ce qu’il faut faire, et il faut le faire comme prévu, répondre à la conformité, chacun jouant son rôle ».
Mais ce modèle a des inconvénients : il est trop mécanique pour s’adapter de façon rapide, il ne favorise pas l’agilité, ni la coopération pour penser et mettre en œuvre collectivement les changement et les nouvelles solutions.
Il faut pourtant apporter cette dimension « agile » par une structure plus « vivante », plus « organique », sans pour autant abandonner la première structure. Cette seconde structure prend vie justement dans les projets de changements à travers un fonctionnement en réseau, dans lequel comptent davantage l’envie et la compétence que le statut. C’est dans ce cadre que Néovance a accompagné plusieurs de ses clients à la recherche d’un nouvel élan, à la recherche d’un fonctionnement plus agile et plus collaboratif.
Le point de vigilance :
Faire naitre cette seconde structure exige une officialisation de la part du comité de direction dont la position change puisque cette démarche revient à considérer le projet d’entreprise comme un processus collectif et permanent, partagée avec les collaborateurs. Le comité de direction a donc son propre « travail » à faire en ajustant son rôle, son fonctionnement, ses modes de prises de décision.
La cohabitation des 2 structures :
Pour faire face aux 2 paradoxes décrit plus haut, il s’agit de gérer l’ambivalence des 2 structures : c’est un apprentissage, en particulier pour les managers dont la posture doit pouvoir naviguer entre un rôle de contributeur, de leader, de manager.
Les 2 structures doivent être pilotées par le comité de direction afin de :
• maintenir une cohérence de vision globale, le comité ne pouvant agir dans une structure en ignorant les enjeux de l’autre
• connecter les enjeux portés par les 2 structures
Vivre ces 2 types de fonctionnement au sein d’une même entreprise est souvent troublant pour les membres : l’énergie, l’enthousiasme, le niveau de coopération vécus dans la structure organique vient contraster avec le fonctionnement hiérarchique du quotidien. Ceci peut paraître schizophrène ou douteux pour certains comme s’il y avait la « vraie » vie d’un côté, et le monde « bisounours » de l’autre. Pourtant, avec une équipe dirigeante obstinée et convaincue, la culture « organique » infuse progressivement dans les esprits, car ce qui s’y vit est comme un apprentissage d’autonomie, d’inter-dépendance (et donc de coopération), de qualité relationnelle, de questionnement nouveau. Cette démarche permet progressivement, sans rupture, de transformer toute l’entreprise et de faire fondre les 2 structures, les 2 cultures en 1 organisation unique et construite de l’intérieur.
Sylvain ZANNI